Auteur de plusieurs essais (Etats de violence, Le principe sécurité, Marcher, Une philosophie) et d’un roman (Possédées), éditeur des derniers cours de Michel Foucault au Collège de France et de son oeuvre écrite dans la Bibliothèque de la Pléiade, Frédéric Gros est actuellement professeur de pensée politique à Sciences Po Paris.

Besides writing several essays (Etats de violence, Le principe sécurité, Marcher, Une philosophie) and one novel (Possédées), Frédéric Gros has been editing the last lectures given by Michel Foucault at the Collège de France, as well as his written work within the Bibliothèque de la Pléiade. He currently teaches political thought at Sciences Po Paris.


Surobéir

Depuis deux siècles au moins, la pensée a forgé des concepts augmentés. Marx a parlé de surtravail et de survaleur, Kantorowicz de surcorps, Foucault de sursavoir et de surpouvoir. A chaque fois il s’agissait d’opérer un diagnostic critique de notre actualité. Nous voudrions forger et faire vivre le concept de “surobéissance”. Car nous surobéissons. On veut croire, on préfère penser que nous sommes absolument soumis, prisonniers d’un monde dont nous dénonçons facilement l’iniquité et l’injustice et dont nous désespérons de sortir. Mais si nous n’étions que soumis, le système ne tiendrait pas longtemps. Nous mettons à obéir de l’engagement, de la ferveur, du désir. Ce qui nous rend la désobéissance si difficile, c’est peut-être cette passion de servitude, et c’est contre elle qu’il faut commencer à lutter. Les révolutions les plus décisives sont éthiques : elles supposent une transformation du rapport de soi à soi, un travail politique sur soi-même.

For at least two centuries, philosophical thought has generated « super » enhanced concepts. Marx spoke about surplus labour and surplus value ; Kantorovich theorized a super body ; Foucault, superpower and super knowledge. For each of these authors, it was about operating a critical diagnosis of current events. Here we would like to forge and support the concept of “super obedience”. We generally like to believe we are completely subjected, prisoners to a world whose inequity and injustice we readily denounce and desperately try to escape. But the truth is, if we really were truly and utterly passive, the system would not hold for much longer. What makes disobedience so hard, is maybe the very passion of servitude, which is what we must start to fight against. The most decisive revolutions are the revolutions of ethics : they imply a transformation of the relationship of the self with the self, a political work onto oneself.

Conférence (20 min)

Salle II, 1h45